AUDIENCE DE RENTRÉE DU SNALC

PAR LE MINISTRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

5 septembre 2022

 

En présence de

Pap NDIAYE, ministre
Laurent CRUSSON, conseiller social
Thierry LE GOFF, directeur adjoint du cabinet
Jean-Rémi GIRARD, président du SNALC
Toufic KAYAL, Philippe FREY, Marie-Hélène PIQUEMAL, vice-présidents du SNALC.

Pour cette audience, le SNALC est parti des huit chantiers prioritaires[1] pour le MENJ évoqués par Elisabeth Borne lors du séminaire gouvernemental du 31 août 2022. Ces priorités sont bien éloignées des préoccupations des personnels, dont le sort n’est traité qu’en dernière position. Compte tenu du temps imparti pour les échanges, le SNALC en a retenu quatre en priorisant la question de la revalorisation des enseignants et des conditions de travail des personnels.

 

« Revaloriser le salaire des enseignants et renouer avec le dialogue et la confiance » (priorité n°8/8)

 

Enveloppe budgétaire

Pour le SNALC les termes « rattrapage salarial » (sans contrepartie) sont plus appropriés que « revalorisation ». Nous demandons des précisions sur l’enveloppe budgétaire et l’annonce de l’augmentation de « 10% » : annuelle/pluriannuelle ? pour tous/seulement certains échelons ? calendrier ? marge ?… On rappelle que la « prime d’attractivité » du quinquennat précédent ne contenait pas grand-chose d’attractif. Enfin, le SNALC interroge le ministre sur la notion de « pacte » et rappelle qu’il réclame une augmentation « sans contrepartie ».

 

Réponse du ministre :

Il y aura une part « socle » pour tous ; et une part conditionnée à de nouvelles missions (Pacte).

Pour mener à bien les trois grands axes (réussite et augmentation du niveau des élèves ; mixité sociale et égalité des chances ; bien-être des élèves), il faut mobiliser la communauté enseignante : cela passe par une revalorisation du métier, financière et morale.

À partir d’octobre, les organisations représentatives seront consultées sur la revalorisation et d’autres aspects (CNR et projets pour marges de manœuvre, financés par fond d’innovation de 500 millions : une annonce sera faite le 8 septembre à Marcoussis)

L’AVIS DU SNALC : le ministère et le gouvernement continuent de s’arc-bouter sur leur « pacte », qui est clairement une variante du « travailler plus pour gagner plus ». Ce faisant, ils maintiennent dans l’imaginaire collectif l’idée que les enseignants n’en feraient pas assez et que le rattrapage salarial ne va pas de soi. Ils s’apprêtent également à fracturer la profession entre ceux qui signeraient ce pacte et ceux qui ne le signeraient pas, sans parler des nouveaux entrants qui n’auraient, eux, pas le choix.

 

Concours exceptionnel, grille de traitement des contractuels

Le SNALC, favorable aux concours, s’interroge sur l’attractivité – et la dégradation des conditions de travail, pour certains, une fois devenus titulaires. Nous avons rappelé souvent qu’il y avait déjà des contractuels dans le 2d degré ; le recrutement dans le 1er degré est très récent et suscite beaucoup d’inquiétudes légitimes, notamment sur la maîtrise des différents enseignements. Au sujet des conseillers en formation continue (CFC, la moitié d’entre eux sont contractuels), les avancées obtenues récemment semblent à l’arrêt : ira-t-on jusqu’au bout ?

Les personnels contractuels représentent presque 30% des effectifs de l’EN. Le SNALC réclame un bilan du cadre de gestion depuis 2016 ; avec la grille de traitement créée en 1989, les salaires des contractuels enseignants ont été revalorisés, jusqu’à atteindre 1,7 fois le SMIC, puis représentaient 1,2 SMIC en 2017 et 1,02 aujourd’hui, et cela va baisser encore (inflation). La dévalorisation est très marquée aussi pour les contractuels. Le SNALC réclame que l’administration applique le décret 86-83 et rappelle que les contractuels peuvent avoir un tuteur. Il faut augmenter l’indemnité de tutorat des contractuels et prendre cette mission en compte (ainsi que tuteur M1/M2) dans les fonctions éligibles du premier vivier de la classe exceptionnelle, d’autant qu’elle est traçable dans les parcours.

Réponse du ministre :

La rentrée 2022 s’est faite dans de bonnes conditions relatives, malgré les difficultés sur le recrutement, grâce à la mobilisation des services et du ministère.

Les contractuels 1er degré représentent un faible pourcentage (1,5%), y compris dans les académies de Créteil et Versailles, contre 8 à 10% dans le second degré.

On organise le concours exceptionnel seulement pour le 1er degré en raison de nos besoins, et de contraintes juridiques et administratives (complexité d’organisation) ; on veut éviter la loi.

Les contractuels ont reçu une forme de revalorisation puisque leur contrat annuel a été prolongé jusqu’au 31 août (au lieu de juin) pour en pas les perdre pendant l’été, soit 1/6e de rémunérations en plus.

Sur le tutorat, c’est variable selon les académies. Un bilan sera fait. La fonction pourrait en effet être revalorisée, en faisant partie du « pacte ».

 

L’AVIS DU SNALC : l’utilisation de pourcentages vise clairement à minimiser un phénomène qui va pourtant clairement en s’accroissant, et qui est un révélateur de la crise des recrutements. Rappelons qu’il y a encore quelques années, il n’y avait tout simplement pas de contractuels enseignants dans le premier degré.

 

AESH, PIAL

La grille de traitement des AESH, trop basse, n’a pas cessé d’être modifiée depuis sa mise en place en 2021 et sera à nouveau écrasée avant la rentrée 2023 : il y a urgence à revaloriser. Les PIAL sont désastreux pour la quasi-totalité des AESH : ils devaient permettre d’augmenter les quotités de travail mais les contraintes d’emplois du temps et de flexibilité les en empêchent, et bloquent aussi le cumul d’activité. Les AESH perçoivent en moyenne 62% du SMIC. On attend toujours une convention nationale de mise à disposition de l’AESH par l’employeur auprès d’une collectivité territoriale pour le cadre et on réclame un groupe de travail spécifique.

 

Réponse du ministre :

À propos des quotités, on veut arriver à une fiche de paye qui fusionne scolaire et périscolaire, mais c’est une question juridique complexe. On a reçu les directeurs de MDPH pour évoquer la situation des PIAL : l’AESH n’est pas toujours la réponse à toutes les demandes des familles et besoins de enfants. Il y a une réflexion à mener sur les salaires très faibles.

L’AVIS DU SNALC : sur le dossier de l’inclusion, il est urgent de mettre toutes les parties prenantes autour de la table, afin d’arriver à ce que l’inclusion d’un élève offre réellement tout ce dont ce dernier a besoin, y compris une structure spécialisée ou un personnel AESH sur 100 % des heures de cours. Sur les salaires, il n’y a pas besoin de mener de nouvelle réflexion : les conclusions sont connues depuis longtemps, et il est urgent de passer aux actes.

 

CDI des AED

Le SNALC signale des contentieux à venir en raison de plusieurs cas de refus de CDIsation des AED. Ceux-ci n’ont pas été renouvelés sans motif valable à la veille de leur contrat (dans la pratique, ce renouvellement est décidé par l’autorité locale et non par le recteur). Le SNALC réclame une circulaire d’application pour préciser le cadre règlementaire de la CDIsation, ainsi qu’un bilan.

Réponse du ministre :

L’octroi du CDI au bout de 6 ans n’est pas automatique. La fonction d’AED est prioritairement prévue pour les étudiants, avant d’avoir été étendue à un vivier plus large. On n’est pas obligé de reprendre un AED qui a un avis mitigé ; mais s’il a en effet des avis positifs, voire 5 ans + et la 6e année négative, le non-renouvellement semble logiquement relever du contentieux.

 

L’AVIS DU SNALC : nous serons très attentifs à éviter toute dérive locale, et avons demandé un bilan et une circulaire interprétative du décret du 9 août 2022 permettant la cédéisation des AED le plus rapidement possible.

 

Agrégés, chaires supérieures

Trop souvent oubliés des revalorisations, promotions ; ils ont passé un concours exigeant. Le SNALC est le seul à rappeler qu’ils doivent être inclus dans les réflexions sur la revalorisation des personnels. Actuellement, plusieurs d’entre eux renoncent au prestige de la chaire supérieure faute de pouvoir accéder à l’échelle HEB avant d’avoir atteint la veille de la retraite, et s’oriente par défaut vers le corps des agrégés, lui-même injustement traité voire oublié des revalorisations. Les classes préparatoires, qui fonctionnent bien (mixité, proximité…) doivent être entretenues, développées, et non fragilisées.

Réponse du ministre :

Le ministre affirme que les agrégés et chaires supérieures sont « très importants » à ses yeux, qu’il faut garder les prépas, qu’il a mentionné ces sujets devant les inspecteurs généraux

L’AVIS DU SNALC : nous continuerons de défendre tous les personnels, y compris ceux dont visiblement nous sommes les seuls à parler au ministre.

« Poursuivre la réforme du lycée, notamment avec la réintroduction des mathématiques pour tous les lycéens » (priorité n°2/8)

 

La réforme du lycée a des effets négatifs, qu’il faut relever. Le comité de suivi, que le SNALC avait quitté (notamment du fait de décisions arbitraires et inexplicables telles que les 40% de contrôle continu) doit évoluer dans sa composition et son fonctionnement. On devrait pouvoir discuter dans ce comité de la structure-même de la réforme, pas seulement « sur les marges ». Or cela n’a jamais été possible.

Le SNALC demande le calendrier des examens et rappelle son attachement aux épreuves terminales en juin.

 

Réponse du ministre :

Le comité de suivi a été prorogé. Le binôme de pilotage sera reconduit. La réforme du lycée était en collision avec la crise sanitaire et n’a pas pu se déployer véritablement, donc n’a pas pu être évaluée avec du recul.

 

Les dates des examens sont imminentes, en discussion avec le MESR car Parcoursup est « agrafé » à ce calendrier. Épreuves en mai = les deux disciplines phares de spécialité ne sont pas prises en compte dans Parcoursup… En mars, pédagogiquement difficile… En avril, trop de vacances…

 

L’AVIS DU SNALC : on ne découvre pas aujourd’hui les contraintes de Parcoursup, et la crise sanitaire a bon dos pour justifier qu’on s’obstine à maintenir un calendrier pédagogiquement invivable.

 

« Continuer de développer l’apprentissage et rapprocher les lycées professionnels des entreprises pour renforcer l’insertion dans l’emploi » (priorité n°4/8)

 

Sur la voie professionnelle, est-ce que la ministre déléguée recevra les organisations représentatives ? Nous avons beaucoup de question de la part des collègues qui sont stupéfaits par l’enchaînement des réformes ; celles-ci génèrent des tensions, et les objectifs ne cessent de fluctuer sans logique apparente (tension entre poursuite d’études et insertion professionnelle).

 

Le collège est qualifié en préambule par le ministre de « maillon problématique » notamment en raison du niveau des élèves : comment peut-on alors prévoir une demi-journée sur l’entreprise ? Par ailleurs le problème n’est pas seulement au collège : il se construit dès l’école et se poursuite au-delà au lycée et dans le supérieur. C’est tout le système qui est un maillon problématique, car il est en crise.

 

Réponse du ministre :

Cette question est entre les mains de Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, qui recevra certainement les organisations représentatives dont le SNALC.

 

Pour le collège, l’aspect problématique n’est pas dû aux personnels, mais relève plus d’une réflexion, d’une réforme structurelle qui n’a pas eu lieu depuis très longtemps. Les organisations seront consultées. À suivre : concertation, expérimentations…

 

L’AVIS DU SNALC : le ministre semble oublier que la dernière réforme du collège date de 2016, et qu’elle était très structurelle. On constate qu’on n’a pas perdu la tradition de justifier périodiquement que le collège est le maillon faible du système pour y faire n’importe quoi.

Sur la voie professionnelle, le SNALC continuera de porter l’inquiétude des personnels, y compris dans un cadre intersyndical.

 

 

« Transformer l’école en s’inspirant des expériences de terrain et en associant les partenaires de l’école comme l’a expérimenté le projet « Marseille en grand » » (priorité n°7/8)

 

À propos des expérimentations, le SNALC signale les diversités d’interprétation du terme « facultatif » et l’écart existant entre le projet du ministre ici présent et l’application in fine dans les écoles. L’autonomie trop souvent représente un danger pour les conditions de travail. Pour le SNALC, le fond d’innovation pourrait être réutilisé différemment (rattrapage salarial) plutôt que sur des expériences éloignées des préoccupations des collègues. Nous apprécions cependant l’honnêteté ministérielle qui a su reconnaître la crise des recrutements.

 

Sur la mixité sociale, le SNALC se réjouit des résultats obtenus par exemple dans l’académie de Toulouse, mais à quel prix ! 56 millions d’€, busing, nombreux personnels mobilisés et des centaines de réunions… Quant à Marseille, le point positif qui a été unanimement reconnu localement, c’est que cette expérimentation a permis de rénover des locaux insalubres du fait d’un investissement financier exceptionnel de l’État, dont on n’imagine pas qu’il sera reproduit partout où il serait nécessaire.

 

Réponse du ministre :

On ne souhaite pas généraliser les expérimentations, mais éventuellement répliquer localement, élargir les pratiques, sans remettre en cause les fondamentaux de l’EN. On veut avancer avec les enseignants, pas de bras de fer. Si le coût est très élevé, pourquoi pas quand les bons résultats sont assurés. Les financements doivent être rapides. Ces expérimentations sont faites pour éviter le contournement vers le privé.

 

L’AVIS DU SNALC : rappelons que la première raison pour mettre son enfant dans le privé, c’est la question de sa sécurité, et non l’innovation pédagogique. À vouloir corréler innovation et attractivité, on oublie que le problème majeur est celui mis en avant par le SNALC dès le début de l’audience : la rémunération et les conditions de travail, qui entraînent un manque d’attractivité.